Circulaire de rentrée : Ne laisser aucun élève au bord du chemin
Nul n’ignore les défis et tensions qui traversent notre société. Ceux-ci n’épargnent pas notre École. Chacun attend ou espère qu’elle permette de les réduire, voire de les résoudre, souvent à raison. L’École, en tant que creuset de la Nation, remplit en effet la double promesse républicaine : permettre à chacun d’aller au plus haut de ses aptitudes et de se préparer à l’exercice de la citoyenneté. Elle constitue donc un facteur puissant de cohésion sociale : par l’émancipation et la progression qu’elle offre à ses élèves ; par les barrières sociales, géographiques ou culturelles qu’elle fait tomber ou qu’elle dépasse ; par l’attachement profond que ses personnels comme l’institution suscitent ; enfin, par l’avenir qu’elle prépare. C’est de cette cohésion dont notre pays a besoin, et l’École sera, comme toujours depuis les débuts de la République, au rendez-vous en cette nouvelle année scolaire 2024-2025.
Dans cette perspective, l’ensemble des priorités fixées pour la rentrée 2024 peut au fond se résumer à une seule : assurer la cohésion sociale dans l’École et par l’École, pour ne laisser aucun élève sur le bord du chemin. Cette exigence est au cœur du métier et de l’engagement professionnel de chaque personnel de l’éducation nationale. Elle en fait la force et en impose le respect.
1. La cohésion par la progression de chacun : réactiver l’École comme ascenseur scolaire et social
L’École de la République est un vecteur d’ascension sociale grâce à l’engagement de ses professeurs et de l’ensemble des personnels. Mais nous pouvons encore, collectivement, faire mieux. En dépit d’une amélioration régulière depuis cinq ans, 27 % des élèves entrent en 6e avec une maîtrise insuffisante en français, et 32 % en mathématiques. Les résultats au diplôme national du brevet, en apparence satisfaisants, présentent de fortes disparités territoriales, mais également une distorsion entre les résultats obtenus aux épreuves terminales et ceux du contrôle continu.
C’est pourquoi l’exigence pédagogique, notamment pour la transmission des savoirs fondamentaux, doit être notre boussole à tous les niveaux de l’institution scolaire. Elle est la condition première d’une réelle égalité des chances.
Dans le premier degré, l’année scolaire 2024-2025 sera caractérisée par trois évolutions substantielles. La première portera sur la nouvelle manière d’enseigner les mathématiques et le français en cycle 1 et en cycle 2, pour l’ensemble des années concernées. Il s’agit notamment, en mathématiques, de modifier profondément la démarche didactique, autour du triptyque « manipuler, verbaliser, abstraire ». En français, la nécessaire pratique de la lecture et de l’écrit, conformément à la circulaire du 12 janvier 2023, doit constituer notre repère commun. Seule la pratique quotidienne, soutenue et systématique, à chaque niveau de l’école élémentaire, de la lecture et de l’écriture de lettres, de mots, puis de phrases et enfin de textes d’une longueur croissante, peut permettre de réduire les écarts scolaires et les inégalités qui leur sont attachés. Les Plans français et mathématiques, qui auront concerné près de 70 % des professeurs des écoles à la fin de cette année scolaire, doivent donc tenir compte de ces évolutions, tout en se poursuivant au même rythme. En outre, les académies veilleront dès à présent à la poursuite, sur les prochaines années, de la formation en constellations, afin que les professeurs continuent ces échanges sur leurs pratiques pédagogiques. Ces nouveaux formats apparaissent comme les plus adaptés et efficaces pour accompagner la transformation des pratiques pédagogiques et de différenciation au sein des classes.
La deuxième évolution réside dans le lancement d’une démarche de labellisation des manuels scolaires. Ouverte pour les manuels de CP et de CE1 en lecture, cette labellisation peut être sollicitée par les éditeurs pour certifier la conformité de leurs manuels aux programmes. Elle permettra, sans être une condition obligatoire, de guider les professeurs dans le choix des manuels.
Enfin, à l’école élémentaire comme au collège, les évaluations nationales seront déployées en début d’année pour chaque niveau scolaire. Ces évaluations permettront en effet d’identifier, dès le début de l’année, le niveau de maîtrise des compétences des élèves et de permettre aux équipes de positionner leurs résultats en référence aux données nationales, académiques et départementales. Elles constituent donc un outil précieux pour adapter sa pédagogie à l’échelle de la classe, et pour fonder le pilotage et les initiatives pédagogiques sur des constats objectifs au niveau territorial. Elles sont aussi l’un des éléments déterminants du pilotage pédagogique, dont les recteurs sont responsables, au plan académique, notamment dans le cadre des travaux des conseils académiques des savoirs fondamentaux.
Dans le second degré, une nouvelle ambition est affirmée pour le collège. Souvent dénoncé comme le lieu du « grand écart » entre les élèves les plus à l’aise et ceux en difficulté, le collège unique doit retrouver sa capacité à amener chaque élève au plus haut de ses aptitudes. C’est pour cette raison que, dans le cadre du choc des savoirs, seront mis en place, dès cette rentrée 2024, des groupes de besoins en français et en mathématiques pour les élèves des classes de 6e et de 5e. Ces groupes sont constitués avec une alternance entre des temps d’enseignement en classe de référence et des temps d’enseignement en regroupement selon les besoins des élèves, selon les modalités déterminées par les équipes pédagogiques. Régulièrement redéfinis, ils permettront de répondre au plus près aux besoins des élèves en partant des compétences effectivement maîtrisées. Tous les élèves suivront le même programme, mais, selon les thématiques et les compétences à travailler, ils seront répartis en groupes pour faciliter les apprentissages. Ils auront également des périodes en classe entière afin de maintenir la cohérence des progressions pédagogiques. Si la mise en œuvre organisationnelle de ces groupes peut bien sûr présenter, par son caractère inédit, une certaine complexité, elle permet avant tout une transformation des pratiques d’enseignement et facilite la prise en charge différenciée des élèves. En aucun cas, elle ne saurait aboutir à la constitution de groupes pérennes d’élèves en difficulté, ni constituer une forme de « tri scolaire ». La mise en place des groupes de besoins constitue au contraire une opportunité, pour les professeurs qui les encadreront, de travailler ensemble leurs progressions pédagogiques et d’atteindre l’objectif d’une réelle différenciation pédagogique pour ne laisser aucun élève au bord du chemin.
Cette exigence renforcée sera enfin consolidée par l’évolution du diplôme national du brevet. Après la suppression des correctifs académiques, décidée début 2024 et appliquée lors de la session 2024, les conditions d’obtention seront révisées dès la session 2025. Ce sont les notes attribuées par les professeurs qui serviront au calcul de la note de contrôle continu, tandis que les épreuves terminales compteront désormais pour 60 % de la note finale, au lieu de 40 % actuellement. Le brevet sera ainsi réaffirmé dans sa valeur de diplôme national, et sanctionnera plus fidèlement la maîtrise des compétences du socle.
Au lycée, la réforme du lycée professionnel entre en vigueur, sur l’ensemble des niveaux, en ce début d’année scolaire. Elle constitue un puissant levier de revalorisation de la voie professionnelle, avec un effet immédiat : le nombre de vœux d’orientation des familles vers la voie professionnelle en fin de classe de 3e croît pour la deuxième année consécutive. Cette réforme répond à trois priorités : mieux accompagner les élèves dans leur parcours et leur projet professionnel ; permettre au lycée professionnel de mieux répondre aux besoins de nouvelles compétences ; soutenir et valoriser les professeurs de lycée professionnel. Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre, notamment le versement d’une allocation au titre des périodes de formation en milieu professionnel, la création d’un bureau des entreprises et le dispositif Ambition emploi. L’année scolaire à venir sera marquée par la réorganisation de l’année de terminale pour permettre aux élèves de mieux préparer le post-bac (l’insertion professionnelle ou la réussite dans l’enseignement supérieur), ainsi que par une nouvelle grille horaire garantissant la consolidation des savoirs fondamentaux, avec 15 % de l’horaire dédié aux enseignements en français et en mathématiques.
L’accélération de l’évolution de la carte des formations professionnelles initiales constitue un des leviers majeurs de cette réforme. Cette ambition transformatrice se traduit par une valeur cible pour chaque région académique de 6 % de transformation de la carte des formations par an, afin d’atteindre 25 % de transformation de la carte en 2027. Les travaux en vue de la rentrée scolaire 2024 se sont traduits par des efforts significatifs des régions académiques qui devront être poursuivis et intensifiés pour atteindre les objectifs.
Enfin, la réussite scolaire des élèves passe aussi par l’ambition ainsi que la connaissance et l’estime de soi. Les élèves et leurs familles ont en effet naturellement tendance à ajuster leur niveau d’ambition à l’image qu’ils se font d’eux-mêmes et de leur environnement social, mais aussi à l’image que la société leur renvoie. L’institution scolaire joue ainsi un rôle majeur : pour permettre à chaque jeune d’aller au bout de ses potentialités, il faut d’abord qu’il connaisse le champ des possibles, qu’il ait confiance dans ses capacités et qu’il ose être ambitieux. C’est pourquoi la découverte des métiers au collège, qui est mise en œuvre depuis la rentrée dernière, est poursuivie, avec l’aide et le soutien des psychologues de l’éducation nationale. Alors que 77 % des élèves de 5e et la quasi-totalité des élèves de 4e et 3e ont bénéficié d’actions dans ce domaine, nous devons collectivement, en lien avec les régions et la plateforme Avenir(s) de l’Onisep offrant l’accès à des outils et services pour les élèves et les équipes pédagogiques, proposer des parcours d’information et de découverte qui permettent à nos jeunes, en fin de 3e, de connaître plusieurs dizaines de métiers et d’avoir rencontré des personnalités inspirantes issues de différents secteurs économiques. Dans la même perspective, le stage de 2de, obligatoire pour tous les élèves en voie générale et technologique, est reconduit afin de permettre à chacun de consolider ses vœux d’orientation.
2. La cohésion par la lutte contre toutes les formes d’assignation
Notre institution a pour mission de s’élever contre toutes les barrières sociales, géographiques ou culturelles qui freinent la réussite et l’ambition de nos élèves. Il en va de leur réussite personnelle, mais aussi de la pérennité d’un contrat social fondé sur l’émancipation individuelle et la cohésion nationale.
Le premier frein que nous devons lever est celui de l’assignation sociale. C’est pourquoi la mixité sociale et scolaire et l’adaptation aux besoins des territoires constituent une priorité pour notre ministère. L’École, dans ce domaine, est évidemment tributaire de composantes géographiques et sociales sur lesquelles elle n’a pas la main, aussi bien en zone urbaine que dans les territoires ruraux. Mais elle a la capacité et le devoir d’agir pour offrir les mêmes chances à tous sur l’ensemble du territoire et pour favoriser la mixité sociale dans les établissements publics comme privés sous contrat.
Notre politique en la matière s’appuiera donc sur plusieurs leviers :
la poursuite de la revalorisation des internats, notamment des internats d’excellence ruraux : dès cette nouvelle rentrée, 170 internats supplémentaires bénéficieront de la labellisation « internats d’excellence », dont 38 avec le soutien financier de l’État à hauteur de 40 millions d’euros. L’objectif est de permettre à l’ensemble des élèves concernés d’effectuer une scolarité sereine, correspondant à leurs aspirations, indépendamment des contraintes géographiques ou sociales. Notre devoir est de proposer l’internat de manière systématique, alors qu’à ce jour, près d’une place sur cinq est encore disponible. Parallèlement, la mobilisation des territoires éducatifs ruraux (TER), amplificateurs de coopérations autour de l’École et vecteurs de rayonnement pour les territoires, sera poursuivie pour atteindre la cible de 300 TER à la rentrée 2026 ;
favoriser la diversification et l’excellence de l’offre éducative dans les établissements les moins favorisés ou les plus isolés : l’objectif est que les élèves qui présentent des aptitudes ou compétences spécifiques puissent bénéficier de dispositifs d’excellence de « proximité », sans avoir à rejoindre des établissements réputés plus favorisés qui, historiquement, concentrent déjà les dispositifs dits « d’excellence ». C’est pourquoi l’ouverture de nouvelles sections internationales est désormais systématiquement subordonnée à des critères de mixité sociale. C’est dans le même esprit qu’un nouveau dispositif Sports-études verra le jour à la rentrée, afin de permettre à des élèves ayant des aptitudes sportives élevées de bénéficier d’aménagements de scolarité. Plus de 200 collèges et 150 lycées abriteront des classes de ce type ;
enfin, en termes de mixité sociale et scolaire et de réduction des inégalités territoriales, l’année scolaire 2024-2025 verra débuter les travaux relatifs à la refonte de la carte de l’éducation prioritaire, et la poursuite de la politique d’ouverture sociale des établissements privés sous contrat ainsi que des établissements publics les plus favorisés. Cette exigence ne se décrète pas : elle devra être travaillée localement, au cas par cas, en fonction des réalités territoriales et en pleine concertation avec les forces vives de chaque territoire, pour être pleinement bénéfique.
La deuxième exigence pour laquelle nous devons poursuivre nos efforts est bien sûr la pleine inclusion scolaire. Notre École a parcouru un chemin considérable en quelques années, avec désormais plus de 470 000 élèves en situation de handicap scolarisés dans les écoles et établissements scolaires, dont les deux tiers bénéficient de l’aide d’un accompagnant. Pour autant, l’École pour tous reste confrontée à des difficultés, et nous devons, pour assurer la pleine inclusion scolaire, poursuivre l’amélioration de la réponse aux familles, renforcer le soutien aux professeurs et assurer l’effectivité de la scolarisation des enfants concernés. À cette fin, l’année scolaire 2024-2025 verra l’expérimentation d’une nouvelle organisation du service public de l’École inclusive dans quatre départements, à travers la mise en place de pôles d’appui à la scolarité (PAS). Ces pôles apporteront aux familles, à l’échelle d’un bassin de vie, une écoute et des réponses opérationnelles pour la scolarisation de leur enfant, en partant du besoin pédagogique de celui-ci (adaptations pédagogiques, matériels pédagogiques adaptés, etc.). Lorsqu’une aide humaine est nécessaire, ils pourront aider les familles dans leur démarche et affecter un AESH auprès de l’enfant dans l’attente de la notification de la maison départementale des personnes handicapées. Enfin, ces pôles regrouperont des personnels de l’éducation nationale et des personnels du secteur médico-social, afin de faciliter l’intervention de ces derniers auprès des élèves à besoins particuliers. Ainsi, ces pôles apporteront une réponse complète et intégrée aux enjeux de la scolarisation de nos élèves. Plus généralement, notre ministère mettra en place l’ensemble des mesures annoncées lors de la conférence nationale du handicap : outre le fait que tous les enfants pris en charge par les établissements médico-sociaux auront désormais un identifiant national élève, l’attribution de matériel pédagogique adapté sera facilitée et accélérée, avec notamment 7 000 ordinateurs supplémentaires. Enfin, la rémunération des AESH qui interviennent sur le temps méridien sera désormais prise en charge par l’État, facilitant ainsi la prise en charge des élèves en situation de handicap et le recrutement des AESH qui le souhaitent à temps complet.
L’émancipation des élèves et la lutte contre les inégalités passent également par la culture. L’acquisition d’une culture littéraire, scientifique, historique et artistique est en effet la condition, d’une part, de la réussite des élèves, et d’autre part, de la conscience de leur destinée partagée. Il s’agit donc d’un puissant vecteur de cohésion sociale qui doit être au cœur de notre ambition pour les élèves. Dans le premier degré, chaque directeur académique des services de l’éducation nationale devra, sous l’autorité du recteur, élaborer et suivre une feuille de route pour permettre à tous les élèves de bénéficier d’actions d’éducation artistique et culturelle. Dans le second degré, l’année 2024-2025 sera marquée par la refonte des programmes des cycles 3 et 4, mais aussi par une réflexion plus globale sur la place de la culture générale, et notamment de l’histoire des arts au collège. Sans attendre ces travaux, cette nouvelle année verra le renforcement de la pratique théâtrale au collège. Les troupes de théâtre, qui existent dans plus d’un collège sur deux, doivent ainsi être fortement encouragées. Les enseignements de français seront l’occasion, pour tous les élèves, de se familiariser avec notre patrimoine théâtral, y compris en jouant des scènes en classe. La part collective du pass Culture financée par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse peut être à ce titre utilement mobilisée pour permettre aux élèves d’assister, au moins une fois par an, à une représentation théâtrale.
La lutte contre les assignations implique également que l’École soit le lieu de la fabrique du citoyen et lutte contre tous les stéréotypes qui enferment nos élèves dans un système de représentation qui freine leurs ambitions.
À cet égard, notre institution doit d’abord promouvoir les principes et valeurs qui fondent notre contrat social, au premier rang desquels le principe de laïcité. L’ensemble des personnels de l’éducation nationale doit ainsi être intraitable sur le respect de ce principe, qui permet d’assurer et de protéger la liberté de conscience de chacun. Appliquer le principe de laïcité, c’est refuser d’assigner un élève à ses convictions religieuses, réelles ou supposées, pour ne voir exclusivement en lui qu’un élève et un enfant de la République.
S’agissant des enseignements, plusieurs évolutions majeures interviendront également en cette rentrée, afin de mieux préparer nos élèves à l’exercice de la citoyenneté : les programmes d’enseignement moral et civique (EMC) révisés entreront ainsi progressivement en vigueur à compter de cette rentrée. En cycle 4, les élèves devront obligatoirement participer à une action (concours, projet, etc.) d’EMC chaque année, en commençant par les élèves de 5e cette année, et pourront bénéficier à cette fin d’enseignements supplémentaires dans la limite de 18 heures. L’épreuve d’histoire-géographie-EMC au diplôme national du brevet verra également le coefficient de l’EMC identifié et stabilisé. En outre, l’appropriation par les élèves d’une culture de l’engagement sera encouragée dans le cadre de la labellisation « Classes et Lycées engagés », à travers des projets réalisés au sein des établissements et en lien avec le Service national universel (SNU) afin de vivre un séjour de cohésion et de découvrir différentes formes d’engagement. Le SNU s’inscrit ainsi comme un prolongement pratique du programme d’EMC, un espace et un temps d’apprentissage collectif de la citoyenneté, qu’il convient de préparer et d’accompagner sur le plan pédagogique.
La poursuite de la promotion de l’égalité entre les filles et les garçons sera également au cœur de notre action. Les représentations ont, dans ce domaine, des effets délétères sur l’orientation des jeunes filles et garçons, et trouvent parfois des échos inconscients dans des pratiques pédagogiques ou des recommandations d’orientation portées par notre institution. C’est pourquoi, en cette nouvelle année scolaire, un travail de fond sera engagé sur les pratiques pédagogiques non stéréotypées, notamment en mathématiques, de la maternelle à la terminale. Cette réflexion devra nourrir les pratiques en classe, mais aussi les types d’appréciations ou d’évaluations effectuées par les professeurs ou les conseils de classe. De même, les psychologues de l’éducation nationale en charge de l’orientation bénéficieront de formations dans ce domaine, afin de mieux lutter contre les représentations des élèves.
Enfin, le corollaire de l’affirmation de ces principes réside dans le respect de l’autorité des professeurs, sans laquelle il ne peut y avoir de transmission de savoirs, et la lutte contre les différentes formes de violence. Sur le premier point, un ensemble de mesures, résultant de la concertation lancée en avril dernier par le Premier ministre, viendra renforcer l’autorité des personnels de notre institution. Sur le second, la lutte contre toutes les formes de violences, qui se nourrissent de l’irrespect et du dénigrement de l’autre, constitue une priorité absolue. Dans cette perspective, les cours d’empathie, expérimentés dans 1 200 écoles cette année, ont vocation à être généralisés à compter de la rentrée 2024 à l’ensemble des écoles maternelles et élémentaires. De même, la lutte contre le harcèlement se poursuivra, avec le renforcement du dispositif Phare, l’ouverture d’une plateforme à destination des parents, notamment les parents élus, et la pérennisation du questionnaire effectué en novembre dernier par tous les élèves du CE2 à la terminale. La mobilisation de l’ensemble des personnels éducatifs, en lien avec l’engagement essentiel des infirmiers scolaires et assistants sociaux, est au cœur de notre réponse commune face à ce fléau.
Notre École est à la fois le berceau et le creuset de notre République, de ses principes et valeurs, et de ses réussites. Lui redonner cette ambition, c’est renforcer la cohésion sociale autour de notre institution et de ses personnels.
3. La cohésion autour de l’École et de ses personnels
La cohésion que permet l’École doit présider à son propre fonctionnement : cohésion entre l’institution et ses personnels, notamment face aux violences ; cohésion de l’ensemble de la communauté éducative ; cohésion autour de ses valeurs.
S’agissant de la protection des personnels, l’ensemble des recteurs, cadres académiques, inspecteurs et chefs d’établissements doivent être guidés par une seule exigence : prévenir et agir pour protéger tous les personnels de l’éducation nationale, sans jamais minorer ou taire aucune atteinte, en lien étroit avec les services de sécurité et de la justice. La République repose sur ses professeurs et les professionnels de l’éducation, parce qu’ils l’incarnent et qu’ils lui dédient leur vie professionnelle afin de permettre à chacun d’aller au plus haut de ses potentialités et de s’épanouir. Il ne peut donc y avoir ni lâcheté, ni faiblesse, ni tiédeur lorsque la sécurité, mais aussi la réputation de nos personnels, notamment sur les réseaux sociaux, sont mises en cause. C’est le sens du plan ministériel déployé pour renforcer la sécurité des élèves, des personnels et des établissements scolaires. Dès la rentrée, une force mobile scolaire sera ainsi créée au niveau national pour apporter, en cas de crise, un appui et des renforts aux équipes académiques en moins de 24 heures. De même, les écoles et établissements, notamment en éducation prioritaire où ce processus est déjà en place, seront invités à constituer des réseaux d’appui éducatif au sein desquels les assistants d'éducation (AED) pourront participer à la sécurisation de l’ensemble des enceintes scolaires du premier et du second degrés. Enfin, au moyen de conventions locales devenues systématiques, les liens seront encore renforcés entre les services académiques, les forces de l’ordre et la Justice, pour assurer le déploiement d’un véritable bouclier républicain autour de l’École et de tous les publics qu’elle accueille.
La cohésion de notre institution implique également une attention constante aux personnels de l’éducation nationale et à leurs parcours de carrière. La réforme de la formation initiale, qui permettra de recruter les étudiants en fin de L3 et de suivre un master professionnalisant sous un statut rémunéré, comme les évolutions de la formation continue constituent un enjeu majeur. La formation continue a vocation à se déployer en dehors du temps de face-à-face pédagogique, ou à donner lieu, en cas d’absence anticipée, à une prise en charge pédagogique des élèves. Il nous appartient, à l’échelle nationale comme académique ou plus locale, de proposer des modalités de formation nouvelles, d’adapter les formations actuelles, de privilégier les formations collectives en proximité, les actions d’observations en classe et donc de renforcer la qualité et de soutenir les professeurs qui souhaitent monter en compétences. Et ce n’est pas aux professeurs d’aller chercher des formations ; c’est à notre institution, et singulièrement aux écoles académiques de formation continue (EAFC), de proposer et « d’amener » les formations jusqu’aux professeurs. De même que c’est à notre institution et à nos EAFC de répondre au plus près des besoins identifiés par les enseignants et les équipes pédagogiques.
Enfin, cette cohésion implique de redonner aux écoles, aux établissements et aux équipes les marges de manœuvre dont ils ont besoin pour porter leurs projets et s’adapter au contexte et aux besoins de leurs élèves. L’autonomie des établissements conditionne la réussite du système éducatif et de ses transformations, en ce qu’elle permet de décliner les priorités nationales au plus près du terrain. Dans cette perspective, la dynamique du CNR éducation – Notre École, faisons-la ensemble sera poursuivie et amplifiée en 2025, dans le cadre du fonds d’innovation pédagogique crédité de 500 millions d’euros sur l’ensemble du quinquennat. Cette démarche n’est pas seulement un soutien financier aux équipes : elle constitue un profond changement des pratiques en ce qu’elle met l’ensemble de l’institution au service des projets des équipes de terrain. Comme tout changement culturel, il demande du temps, mais cette évolution oblige et engage les recteurs, les directeurs des services départementaux de l’éducation nationale (Dasen) et l’ensemble des cadres territoriaux.
4. La cohésion sociale par l’avenir que prépare l’École : construire dès à présent l’École du futur
L’École est aussi la fabrique de notre avenir, ce qui implique, non seulement qu’elle s’adapte, mais qu’elle anticipe les besoins de nos élèves comme de leurs familles dans une société et un monde en mutation de plus en plus rapide.
C’est pourquoi l’année 2024-2025 verra plusieurs expérimentations ou travaux menés en ce sens.
En premier lieu, l’École doit jouer un rôle déterminant dans l’usage raisonné des écrans et l’appropriation d’une culture numérique responsable. L’enjeu est triple : utiliser les opportunités du numérique dont l’intelligence artificielle à des fins pédagogiques ; donner aux élèves les clés de compréhension et d’usage éthique ainsi que, pour ceux qui veulent développer une expertise, les compétences leur permettant d’élaborer, à l’avenir, des outils d’intelligence artificielle ; permettre à chacun d’exercer ses droits et de respecter ses devoirs dans l’univers numérique. L’année 2024-2025 conduira donc à élaborer une stratégie de l’éducation nationale sur l’intelligence artificielle, afin d’en tirer le meilleur parti en matière pédagogique, pour les élèves et pour les enseignants, et d’y former les élèves.
Cet appui sur le numérique doit être corrélé à un usage raisonné des écrans pour lequel l’action du ministère se déploiera dès la rentrée afin d’éduquer les élèves, aussi bien en termes d’exposition que de pratiques.
L’utilisation abusive des écrans a des effets néfastes et démontrés sur la concentration, la socialisation, mais aussi sur l’exercice d’une réflexion autonome et de l’esprit critique. S’il ne s’agit pas de bannir le numérique de la pédagogie, les usages non pédagogiques n’ont pas leur place à l’École. Aussi, dès la rentrée 2024, les outils numériques seront strictement limités et les outils individuels, proscrits à l’école maternelle, et les élèves seront sensibilisés à leur usage raisonné au cours de l’école élémentaire avec l’expérimentation d’un programme PIX dédié aux élèves de cours moyens. Au collège, une « pause numérique » sera expérimentée au sein de collèges volontaires dans chaque département, de telle sorte que l’interdiction de l’usage du portable prévue par la loi soit effective et totale sur l’intégralité du temps scolaire, y compris les espaces interstitiels à risques que sont les changements de classe, les récréations et la pause méridienne. S’agissant d’une appropriation des outils et des usages, l’attestation PIX, déployée progressivement depuis début 2023, sera rendue obligatoire pour tous les élèves de 6e, comme elle l’est déjà, sous forme d’une certification, en 3e et en terminale.
Parallèlement, nous continuerons à mieux former les élèves aux métiers du numérique, notamment avec le déploiement de la filière CIEL (cybersécurité, informatique, électronique et logiciels) en voie professionnelle, qui comptera plusieurs centaines de nouvelles places, et une action résolue en faveur de la féminisation de la spécialité numérique et sciences informatiques en voie générale, et de la filière STI2D (sciences et technologies de l'industrie et du développement durable) en voie technologique.
En second lieu, l’École du futur est aussi une école plus engagée dans la protection de l’environnement et la transition écologique. Si beaucoup a été fait depuis 2019, avec plus de 12 500 écoles et établissements labellisés E3D et la création des éco-délégués, mais aussi la révision des programmes, nous devons poursuivre notre effort autour de deux axes : améliorer le niveau de connaissances et la compréhension des enjeux pour faciliter la prise de conscience, favoriser l’engagement individuel et collectif pour une action concrète au sein et à proximité des écoles et des établissements. Sur le premier point, l’ensemble des ressources pédagogiques feront l’objet d’une promotion particulière auprès des élèves et des enseignants, notamment à l’occasion des Semaines du développement durable et de l’engagement, fin septembre. Sur le second point, le déploiement notamment des aires éducatives, petits espaces naturels marins, forestiers ou fluviaux, dont la gestion est confiée à des classes, doit permettre aux élèves d’incarner leur action dans un territoire proche de leur école ou établissement. Actuellement au nombre de 1 200, ces aires ont vocation à se multiplier pour atteindre les 18 000 aires en 2030. Ainsi, le maillage territorial du service public de l’éducation nationale contribuera au développement de l’éco-citoyenneté des élèves sur l’ensemble du territoire. La transition écologique est le lieu de l’engagement collectif : celui de l’État, exemplaire, qui poursuivra son soutien aux collectivités locales pour la rénovation énergétique des bâtiments scolaires ; celui des professeurs et des personnels ; celui des élèves, dont le rôle d’éco-délégué devra être mieux accompagné et valorisé dans leur parcours. Cette mobilisation s’inscrit dans le cadre de l’année 2024-2025, déclarée « année de la mer », la France accueillant la conférence des Nations unies sur l'océan à Nice en juin 2025. L’École a toute sa part à prendre à travers les enseignements et les projets pédagogiques qui seront développés. Des ressources pédagogiques seront mises à disposition des équipes pédagogiques à la rentrée.
Enfin, l’École du futur est aussi une école qui sait répondre aux attentes contemporaines, et parfois aux angoisses, face à ces nouveaux défis. Les transitions numériques et écologiques participent en effet d’une nouvelle forme d’anxiété, souvent sur fond de repli sur soi, dont nos élèves peuvent être victimes. Les éléments disponibles sur la santé mentale des élèves montrent la persistance d’importantes difficultés, et exigent de notre part des actions résolues. La première tient au renforcement des compétences psychosociales des élèves, aussi bien en termes de confiance en soi que de rapport aux autres. L’année scolaire 2024-2025 sera ainsi l’occasion de mettre en œuvre une feuille de route sur le développement de ces compétences, qui sera rendue publique d’ici la rentrée. La seconde tient à la revalorisation de la santé scolaire et de ses personnels – médecins, infirmiers, psychologues mais aussi assistants sociaux – qui jouent un rôle essentiel dans la prévention, le repérage et l’orientation des élèves nécessitant des soins ou une prise en charge. La revalorisation des infirmières et infirmiers de l’éducation nationale ainsi que des conseillers et assistants de service social intervenue en 2024 sera complétée d’une mesure d’attractivité et de restructuration des grilles indiciaires des médecins scolaires. Des assises de la santé scolaire seront organisées pour identifier les voies et moyens de consolider cette dimension essentielle de notre action. Enfin, corollaire de la santé psychique, la santé physique des élèves doit constituer une préoccupation constante. L’organisation par la France des Jeux olympiques et paralympiques est ainsi l’occasion de cultiver l’héritage sportif des jeux, en dynamisant la pratique de trente minutes d’activité physique quotidienne dans le premier degré, en pérennisant la Semaine olympique et paralympique – qui a mobilisé 2 millions d’élèves cette année – et en renforçant l’offre sportive dans le second degré, avec le dispositif Deux heures de sport en plus dans le cadre de l’accueil de 8 h à 18 h des élèves dans les collèges de l’éducation prioritaire. Le début de l’année scolaire, marquée par la concomitance de la semaine de la rentrée dans l’hexagone et des Jeux paralympiques, verra notamment 190 000 élèves de toute la France assister à des épreuves, tandis que des milliers d’autres pourront bénéficier de « mini-clubs » durant cette même semaine, dans les établissements scolaires, avec des ateliers sportifs dédiés.
Plus que jamais, notre société a besoin d’école. Besoin d’école pour porter chacun au plus haut de ses aptitudes, pour réduire les inégalités et pour construire notre avenir commun. Besoin d’école pour faire tomber les barrières invisibles de la division, de l’affaiblissement et du désenchantement. Besoin d’école pour tenir cette ambition, née avec Condorcet et les débuts de la République, de construire une société de femmes et d’hommes libres, égaux et fraternels. Cette promesse constamment réactualisée et d’une grande modernité, est tenue chaque jour par les professeurs et tous les personnels de l’éducation nationale. Qu’en cette année 2024-2025, comme pour les suivantes, la Nation fasse corps autour d’eux et de son École !
Le 26 juin 2024,
La ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse,
Nicole Belloubet
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